PHOTO: Dragana Trifkovic, Directeur du Centre des ?tudes g?ostrat?giques
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Avec la r?cente d?claration de Milorad Dodik selon laquelle la Republika Srpska s’est engag?e sur une voie de sortie de la Bosnie Herz?govine sans retour, ce sujet a une fois de plus retenu l’attention des m?dias. Il a commenc? son discours ? l’Assembl?e de la Republika Srpska le 17 f?vrier avec les mots «Goodbye Bosnia and Herzgovina, welcome RS exit» .
Milorad Dodik a ?galement d?clar? que » personne ne pourra emp?cher la sortie de la Republika Srpska de la Bosnie Herz?govine, pas m?me les ?tats-Unis « , car ils pensent que l’accord de Dayton a ?t? rompu, principalement par l’intervention d’un facteur international“. Cependant, ce n’est pas la premi?re fois que Dodik prononce ces mots forts, par cons?quent, on peut peut penser qu’il s’agit d’une menace. Certes, la situation avec la Bosnie-Herz?govine est plus que compliqu?e. Ce pays est d?fini sur une base telle qu’il ne peut pas fonctionner sans le contr?le d’un facteur externe. En outre, les tensions interethniques persistantes entre les Serbes de Bosnie, les Croates et les musulmans constituent un probl?me majeur.
L’accord de Dayton a mis fin ? la guerre en Bosnie-Herz?govine et a divis? le pays en deux entit?s (Bosnie-Herz?govine 51% et Republika Srpska 49%). Cependant, dans l’apr?s-guerre, un certain nombre de comp?tences qui appartenaient aux entit?s vis?es par l’accord ont ?t? transf?r?es au niveau de l’?tat.
Le membre serbe de la pr?sidence de Bosnie-Herz?govine estime que le transfert de comp?tences le plus d?vastateur a ?t? effectu? de 2001 ? 2006 lorsque la politique a ?t? administr?e par Mladen Ivanic, puisque les Forces arm?es, l’Autorit? de la fiscalit? indirecte et le Conseil sup?rieur de la magistrature et du parquet ont ?t? cr??s pendant cette p?riode. D’un autre c?t?, le Parti du progr?s d?mocratique [Partija Demokratskog Progresa], fond? par Mladen Ivanic, r?pertorie pas moins de 37 ?l?ments de d?volution de comp?tences et de cr?ation d’institutions de Bosnie-Herz?govine auxquelles le Parti de l’Alliance des sociaux-d?mocrates ind?pendants [Savez nezavisnih socijaldemokrata] de Milorad Dodik, a particip?. Se jeter la pierre mutuellement entre les parties ne peut certainement pas aider ? r?soudre les probl?mes accumul?s.
Le point de d?part de l’analyse de la situation avec la Bosnie-Herz?govine devrait certainement ?tre la complexit? des probl?mes qui inclue le facteur externe et les pressions qui en d?coulent, les tensions interethniques des trois peuples constituants et la concurrence au niveau des deux entit?s, ainsi que les probl?mes internes de chaque entit? s?par?ment.
La Republika Srpska subit de fortes pressions de la part du sommet et, dans de nombreux cas, Milorad Dodik utilise le sujet du r?f?rendum comme plate-forme pour contrer ces pressions. Cela est particuli?rement vrai quant ? son opposition concernant la comp?tence de la Cour de Bosnie-Herz?govine. La derni?re affirmation selon laquelle la Republika Srpska quittait la F?d?ration ?tait pr?cis?ment une r?action ? la d?cision de la Cour de Bosnie-Herz?govine sur la loi relative aux terres agricoles de la Republika Srpska. Plus pr?cis?ment, la Cour de Bosnie-Herz?govine a d?clar? inconstitutionnel un article de loi concernant la propri?t? des terres agricoles par la Republika Srpska.
Pour l’opposition en Republika Srpska, le programme de r?forme, qui d?finissait l’int?gration de la Bosnie-Herz?govine ? l’OTAN, ?tait une cause beaucoup plus importante de confrontation. Les partis d’opposition ont accus? Dodik en d?cembre d’avoir accept? de pousser la Bosnie Herz?govine vers l’OTAN, bien qu’il n’y ait pas de consensus ? ce sujet.
La question qui se pose est la suivante: est-ce peut-?tre la raison pour laquelle le r?f?rendum sur l’ind?pendance de la Republika Srpska est revenu au premier plan, afin de d?tourner l’attention des questions soulev?es par l’opposition?
D’un autre c?t?, la r?gion est boulevers?e par la crise au Mont?n?gro, d?clench?e par la d?cision des autorit?s mont?n?grines d’adopter la loi sur la libert? de religion, qui revendique la propri?t? de l’?glise orthodoxe serbe. Il convient ? Milo Djukanovic en particulier que les probl?mes en Bosnie Herz?govine ?clipsent les ?v?nements au Mont?n?gro, qu’il ne peut contr?ler. Et le troisi?me facteur c’est la question de la r?solution du probl?me du Kosovo, qui est au stade final, avec la pression des puissances occidentales pour y mettre fin le plus rapidement possible avec un accord de paix global entre Belgrade et Pristina, qui impliquerait la reconnaissance de la pr?tendue ind?pendance du Kosovo par la Serbie.
Auparavant, Milorad Dodik avait li? la question de la r?solution du probl?me du Kosovo ? l’id?e d’unir la Republika Srpska ? la Serbie. Il a en fait pr?sent? un plan d’int?gration de la Republika Srpska ? la Serbie et au nord du Kosovo, soutenant ainsi l’id?e d’une soi-disant partition du Kosovo. Il ?tait crucial pour Aleksandar Vucic d’obtenir le soutien d’un plan de partition, ce qui signifie essentiellement un ajustement des fronti?res, car les puissances occidentales ne veulent discuter d’aucune sorte de partition. Pour eux, le probl?me du Kosovo est r?solu depuis longtemps et ils cherchent simplement un moyen de le mettre en ?uvre (le plan d’ind?pendance du Kosovo d’Ahtisaari). La correction des fronti?res permettrait ? Aleksandar Vucic de pr?senter l’accord sign? non pas comme une capitulation, mais comme un compromis dans lequel la partie serbe a ?galement re?u quelque chose. La d?marcation est une id?e dangereuse, car la Serbie renoncerait ainsi ? plus de 15% de son territoire ce qui mettrait en danger toute la fronti?re ?tatique de la R?publique de Serbie.
Cependant, lier la r?solution du probl?me du Kosovo ? l’id?e de l’int?gration de la Republika Srpska ? la Serbie est une id?e encore plus dangereuse. Tout d’abord, une telle solution est d?vastatrice pour les int?r?ts serbes car elle met les faits compl?tement sens dessus dessous. ? savoir, en vertu du droit international et de l’actuelle r?solution 1244 du Conseil de s?curit? des Nations Unies, le territoire du Kosovo-Metohija fait partie int?grante de la R?publique de Serbie. Si l’?tat de Serbie lui-m?me renonce ? son territoire, ce qui serait probablement un cas non enregistr? dans l’histoire (nous parlons en termes de paix, pas de guerre), il perdrait le droit de revendiquer ce territoire. Les puissances occidentales l’accepteraient avec approbation. En Bosnie-Herz?govine, en revanche, elles soutiennent le transfert de comp?tences au niveau de l’?tat et l’unitarisation de l’?tat, avec l’affaiblissement du facteur serbe. Il n’y a aucune logique dans de telles conditions, ? ce que les puissances occidentales approuvent la modification de la fronti?re internationalement reconnue de la Bosnie-Herz?govine et la sortie de l’entit? serbe de la F?d?ration. Il est ?galement illogique et na?f de penser que la Serbie pourrait faire don du territoire du Kosovo-Metohija, qui lui appartient en vertu du droit international, et obtenir ? son tour un territoire appartenant ? un autre ?tat souverain en vertu du droit international. Le fait est que l’Occident conteste ? la Serbie ce qui lui appartient, et il est na?f de s’attendre ? ce qu’il lui donne quelque chose qui ne lui appartient pas de facto. En outre, il est regrettable que l’id?e d’unir la Republika Srpska et la Serbie repose sur le malheur du peuple serbe vivant au Kosovo-Metohija.
Certes, Milorad Dodik n’a pas la capacit? de s’opposer aux puissances occidentales qui ont un contr?le total sur la r?gion, et il ne peut pas non plus s’attendre au soutien des dirigeants serbes, qui soulignent toujours que la Serbie, en tant que signataire des accords de Dayton, a l’obligation d’en ?tre le garant.
Pour autant, l’annonce d’un r?f?rendum sur l’ind?pendance semble plut?t comme une menace. La Republika Srpska ne dispose d’aucun m?canisme pour modifier seule les fronti?res internationalement reconnues sans le consentement des deux autres peuples constitutifs et le soutien de la communaut? internationale, en particulier des pays qui ont particip? ? la mise en ?uvre de l’accord de paix. Jusqu’? pr?sent, les peuples constituants de Bosnie-Herz?govine n’ont pu se mettre d’accord sur une seule question, tandis que la communaut? internationale n’est pas int?ress?e ? r?investir des ressources pour recomposer cette communaut? d?j? compliqu?e. ? l’?chelle mondiale, il y a maintenant des probl?mes beaucoup plus importants, plus graves et urgents, et l’actualisation de la question bosniaque ne peut rien apporter de positif pour le moment, surtout pas pour la partie serbe. C’est pourquoi la Bosnie-Herz?govine, bien qu’impossible ? survivre ? long terme, doit survivre en tant que telle, car il n’existe ni volont? interne ni externe (actuellement ni la capacit?) de la changer.
La question particuli?re qui se pose est de savoir de quelle mani?re cette communaut? pourrait ?tre am?lior?e pour devenir fonctionnelle.
Pour le peuple serbe vivant dans un ?tat fragment? apr?s l’?clatement de la Yougoslavie, l’id?e d’unification a certainement un contexte positif. L’id?e d’unifier la zone habit?e par les Serbes est courante depuis l’?poque de l’occupation ottomane et le d?but de la lib?ration.
Le premier programme de ce type est connu sous le nom de Nacertanije, un programme secret de politique serbe nationale et ?trang?re. Il a ?t? r?dig? par le ministre de l’Int?rieur Ilija Garasanin en 1844 sur la base des id?es du tch?que Frantisek Zach, qui a pr?conis? la cr?ation d’un grand pays slave ind?pendant de l’Autriche et de la Russie. Cependant, Garasanin n’a pas pleinement accept? de telles id?es et il s’en est tenu ? son plan en mati?re de politique ?trang?re. Nacertanije a impliqu? la lib?ration de tous les Serbes et l’annexion de la Bosnie-Herz?govine, du Mont?n?gro et du nord de l’Albanie (qui comprenait l’ancienne Serbie, ? savoir le Kosovo-Metohija et l’actuelle Mac?doine) – ? la Serbie. Cette id?e a ?volu? plus tard vers l’id?e yougoslave, et Ilija Garasanin lui-m?me a pris cette direction. La Serbie, ? la suite de la divulgation publique de ce document, a ?t? condamn?e pour les id?es de la Grande-Serbie et le projet de cr?er une » Grande Serbie » ? cause de Nacertanije. L’id?e yougoslave a finalement ?t? r?alis?e avec le grand m?rite et les efforts du peuple serbe, mais apr?s la Seconde Guerre mondiale, la Croatie y a jou? un r?le d?cisif, ce qui a permis aux puissances occidentales de contr?ler l’influence serbe.
En pr?paration ? l’?clatement de la Yougoslavie, un autre document a de nouveau servi pour condamner les pr?tendues id?es de la Grande Serbie. Il s’agit d’un m?morandum de la SANU (Acad?mie serbe des sciences et des arts), publi? en 1986, qui a ?t? condamn? par les dirigeants de l’?tat pour avoir encourag? les id?es nationales. Le document lui-m?me ne d?crit pas un plan pour la cr?ation d’une » Grande Serbie « , mais expose les probl?mes auxquels le peuple serbe ?tait confront? en Yougoslavie. De nombreux participants au conflit yougoslave affirment encore aujourd’hui que le document a ?t? la cause de l’?clatement de la Yougoslavie, et m?me que le document a provoqu? une guerre, ce qui n’a aucun sens.
Au moment de l’?clatement de la Yougoslavie, le Parti radical serbe (SRS) et son pr?sident, Vojislav Seselj, ont formul? un programme du parti sur l’id?e d’une «Grande Serbie», tandis que le Mouvement de renouveau serbe (SPO), qui provenait du m?me noyau que le SRS, a ?galement soutenu le renouvellement de l’id?e nationale. Vojislav Seselj, Aleksandar Vucic et d’autres responsables du SRS ont ensuite pr?sent? le slogan » Karlobag-Ogulin-Karlovac-Virovitica « , c’est-?-dire qu’ils ont d?crit la ligne g?ographique » Grande Serbie » pour laquelle ils ont plaid?. Vuk Draskovic, pr?sident du SPO, a form? des unit?s paramilitaires et prononc? des discours incendiaires et bellig?rants. Ces id?es et discours ont servi aux puissances occidentales comme preuve de l’existence d’une politique d’agression serbe, bien que pendant tout ce temps le peuple serbe ?tait en train d’?tre expuls? de Croatie et c’?tait le cas aussi dans d’autres r?gions.
En conclusion, les puissances occidentales ne sont pas favorables aux id?es d’unification serbe, mais elles sont politiquement favorables ? la partition et ? la fragmentation du facteur serbe, qu’elles consid?rent comme d?rangeant dans les Balkans. Les Serbes ont une longue tradition d’?dification de l’?tat et ils avaient un ?tat m?di?val fort. L’essentiel, c’est que les puissances occidentales consid?rent la Serbie ? travers un paradigme d’influence russe, qui ne leurs convient nullement.
Pour toutes ces raisons, il est dangereux de jouer avec l’id?e de l’unification serbe, surtout s’il n’y a pas de ressources, de m?canismes ou de soutien international pour la r?alisation d’une telle id?e. Il est particuli?rement illogique que l’id?e d’unification soit li?e au soutien ? l’ali?nation du territoire de Kosovo-Metohija de la Serbie.
Il serait beaucoup plus intelligent pour les dirigeants serbes de travailler de mani?re responsable ? l’int?gration ?conomique et culturelle de la r?gion peupl?e de Serbes et de construire un consensus social et l’unit? du peuple serbe. Une telle initiative devrait certainement provenir de la Serbie elle-m?me, en tant qu’?tat serbe d’origine. Malheureusement, ce n’est pas le cas, et nous sommes confront?s ? une bonne coop?ration entre les dirigeants politiques de la Serbie, du Mont?n?gro et de la Republika Srpska, ce qui est en conflit avec une politique nationale responsable et des int?r?ts d’?dification de l’?tat.
Dragana Trifkovic
Directeur du Centre des ?tudes g?ostrat?giques
Traduit par: Svetlana Maksovic La source originale de cet article est